Soutenir Salmé

Le village de Salmé (525 familles, soit plus de 2 000 habitants) dans le district de Nuwakot au nord-ouest de Katmandou, a été totalement détruit par le séisme de 2015. Le Réseau Chercheurs Népal a choisi d’y intervenir en raison de liens forts noués de longue date par la recherche française dans ce village. En effet, depuis la fin des années 1970 jusqu’aux années 2000, de nombreux chercheurs, stagiaires et étudiants de l’INRA ou du CNRS s’y sont succédé. Plusieurs années après le séisme, une grande partie des habitants vivait toujours dans des « bidon-villages » d’une grande précarité, l’aide ayant eu du mal à atteindre les villages touchés.

Tris sur un secteur de Salmé toujours sous les décombres en 2016.

Après une première aide ponctuelle mais précieuse, le RCN a souhaité contribuer à long terme à une reconstruction qui non seulement tienne compte des normes parasismiques, mais se montre respectueuse de la société locale, de ses équilibres, ses ressources et ses savoirs vernaculaires, et tienne compte de l’économie autochtone et de ses échelles de grandeur.

Notre action sur place s’est située sur plusieurs niveaux : fédérer et articuler l’aide apportée à Salmé par diverses ONG nationales et internationales ; amener notre propre expertise pluridisciplinaire ; prendre en charge en partie ou dans leur intégralité certains aspects de la reconstruction. Nous avons plus particulièrement développé un partenariat avec une organisation locale, SAPPROS (Support Activities for Poor PROducerS of Nepal), qui nous est apparue comme un intermédiaire dynamique aux pratiques saines, possédant qui plus est une forte légitimité auprès des habitants. Nous avons été aussi en dialogue constant avec les autres ONG présentes sur place, et avec d’autres groupes de représentants du village susceptibles d’agir dans l’intérêt du plus grand nombre.

Récapitulatif des premières interventions du RCN à Salmé (2015-2016):

Urgence et soutien logistique :

  • Mai 2015 : un premier acheminement d’urgence (riz, sel, sucre, bâches, couvertures)
  • Juillet-septembre 2015 : paiement des salaires de quatre « mobilisateurs sociaux » encadrés par SAPPROS, pendant trois mois
  • Octobre 2015 : un second acheminement d’aide alimentaire, car une partie des familles n’a pas pu récolter ses champs (5 tonnes de riz, en veillant à une répartition équitable)
  • Hiver 2015-16 : acheminement de semences biologiques et formation à leur utilisation, les réserves de semences ayant été perdues sous les décombres 
  • Octobre 2016 : coordination en France de la formation du responsable de SAPPROS aux techniques de la production de semences, auprès de divers groupes et associations engagés dans l’agriculture biologique 

Expertise et suivi :

  • Expertise du risque géologique réalisée par le géomorphologue népalais D.P. Adhikari, afin de choisir les meilleurs emplacements pour la reconstruction des maisons
  • Accompagnement d’une équipe d’ingénieurs et d’architectes de Architectes Sans Frontières Nepal (ASF) et de Architecture & Développement pour évaluer les dommages et mettre en place des formations aux techniques de construction parasismiques
  • Suivi et évaluation de la situation, des projets et des besoins par des chercheurs, lors de nombreuses visites (notamment Denis Blamont, Rémi Bordes, Philippe Ramirez, Blandine Ripert, Joëlle Smadja, Tristan Bruslé, les étudiants/stagiaires Floriane Delanoue, Florent Grazide, Thinley Lama)

Actions menées par des ONG partenaires, sous l’impulsion du RCN 

  • Aide à SAPPROS pour obtenir de ACF et de la Banque Mondiale une aide (work for cash) à la reconstruction de la piste menant de Bhalché à Salmé, préalable indispensable pour envisager l’acheminement de matériaux (décembre 2015).
  • Achat et acheminement par Action Contre la Faim (ACF) de tôles ondulées, à hauteur de 90 000 euros, distribuées équitablement dans le village (janvier 2016).
  • Achat par United Nations Development Program (UNDP) de canalisations en PVC destinées à l’irrigation de plantations de cardamome (mai 2016)
  • 2 formations aux méthodes de construction parasismiques, assurées par Architectes Sans Frontières Nepal (ASF), l’une destinée aux personnes possédant déjà une connaissance des méthodes de construction, d’une durée de sept jours (60 participants, octobre 2016), l’autre destinée aux personnes sans expérience dans ce domaine, d’une durée de 3 jours (décembre 2016).

Dynamique et coordination

Une partie importante de notre effort a consisté à identifier les différentes organisations susceptibles d’intervenir, à susciter leur intérêt pour Salmé et à les fédérer entre elles pour impulser une dynamique autour du village entre différents acteurs, certains spécialistes d’un domaine d’intervention. Le village est ainsi devenu le lieu d’une mosaïque d’actions sectorielles de plus ou moins grande envergure. Une coordination spécifique des ONG a ensuite été orchestrée depuis Trisuli sous les auspices du Department of Urban Development and Building Construction (DUDBC) avec qui nous étions en contact. A l’autre bout de la chaîne, nous recueillions par ailleurs les retours des villageois sur les projets en cours. Grâce à cette double position, nous avons veillé à entretenir la cohérence des actions menées.

Les actions du RCN ont donc porté dans un premier temps sur l’habitat individuel, en partenariat avec les habitants et d’autres organisations locales et internationales, et sur le développement d’activités rémunératrices et la formation. Grâce à la générosité de nos donateurs en 2015, notre aide a pu aller plus loin avec la construction d’un bâtiment à usage communautaire, une maternité, avec le soutien des villageois et des autorités locales. 

Construction d’une maternité (2017-2018)

Après de multiples discussions avec les chercheurs du RCN, les villageois ont exprimé au printemps 2017 leur volonté de construire un bâtiment entièrement consacré aux naissances. Depuis quelques années en effet, les femmes accouchaient dans un abri fait de tôle ondulée situé dans le village, ce qui était une avancée par rapport aux années antérieures où elles accouchaient dans les champs – et rarement à la maison, du fait que l’accouchement est considéré comme impur. L’utilisation de cet abri montrait que les femmes étaient prêtes à accoucher dans un lieu partagé, mais en même temps sans trouver les moyens d’améliorer ce lieu exigu, non isolé de la chaleur l’été, du froid l’hiver et temporaire (le terrain était loué à une famille). Le nouveau poste de santé reconstruit en préfabriqué après le séisme ne permettait pas d’accueillir ces naissances dans de bonnes conditions, mais le terrain acheté pour le construire laissait un espace possible pour un petit bâtiment séparé. Des matériaux de l’ancien centre de santé détruit par le séisme n’ayant pas été utilisés, ils restaient disponibles bien qu’insuffisants.

L’ancien poste de santé détruit par le séisme, 2015
Le 1er abri pour les naissances, 2016

L’initiative et la volonté villageoises, la configuration du lieu et la taille du projet nous ont semblé constituer une situation favorable, suffisamment claire et délimitée, pour que le RCN y engage l’argent restant de la levée de fonds réalisée à l’issue du séisme de 2015. C’était une opportunité pour offrir aux femmes et aux enfants des conditions meilleures que celles qui prévalaient avant le séisme, avec le soutien de tous les villageois et des autorités locales qui s’engageaient à prendre le relais en y affectant du personnel compétent une fois le bâtiment construit. Après de nombreux échanges, nous avons choisi une jeune ONG française comme maître d’oeuvre, Rock’n Wood, composée de jeunes architectes et ingénieurs français, possédant à l’époque du personnel permanent au Népal et un vivier important de professionnels volontaires venant des différents corps de métier de la construction, et notamment des compagnons du devoir. Une équipe s’est installée dans le village, avec le soutien régulier du RCN afin de les accompagner au mieux dans leur intégration et interactions avec les villageois, dont un petit nombre a rejoint l’équipe.

La maternité a été inaugurée à l’automne 2018 par l’ambassadeur français au Népal, François-Xavier Léger, accompagné de membres du RCN (Blandine Ripert, Denis Blamont, Tristan Bruslé) qui ont veillé à la qualité du bâtiment et se sont occupés de son aménagement afin d’offrir les meilleures conditions pour les femmes. Les autorités locales ont affecté une sage-femme ainsi qu’une assistante mais ont également livré du matériel spécialisé.

Inauguration, 2018
Inauguration, 2018
« Merci » adressé à chacun des donateurs, 2018
« Merci » adressé à chacun des donateurs, 2018

Depuis, le RCN réalise une visite annuelle (sauf pendant la crise du Covid) afin de veiller à son bon fonctionnement, compléter éventuellement le matériel manquant et réaliser quelques réglages logistiques. Après 7 années d’utilisation, les villageois apprécient aujourd’hui la qualité de la construction qui ne s’est pas détériorée, la qualité de son isolation (tant les murs que la toiture) et le fait qu’un bâtiment spécifique soit destiné aux accouchements. On comptabilise pour le moment une centaine de naissances depuis l’ouverture de la maternité fin 2018 – qui se sont toutes bien passées, ce qui rompt avec les années antérieures. Seule difficulté rencontrée sur laquelle nous devons travailler : les toilettes reliées à un bassin de filtrage végétal ne fonctionnent pas bien.

La maternité en 2025 - extérieur
La maternité en 2025 – extérieur
La maternité en 2025 - intérieur
La maternité en 2025 – intérieur

Nous vous demandons par respect pour les victimes de ne pas diffuser ces photographies sans l’accord préalable de l’équipe du Réseau Chercheurs Népal. Merci.

Crédits photo : © Blandine Ripert